Elle vit dans son trou, comme on vit dans une tombe. Personne ne vient la voir, ou si peu. Même le soleil ne luit plus dans sa boutique. Sur les étagères, des rouleaux de tissus sombres, d'une autre époque, de lourds velours, des gris, du brun, rien de chatoyant.
Elle vit dans son trou, dans l’odeur de vieille cire, de cuir et du manque d’argent. De poussières surtout, particules de mémoire sans oubli.
Elle vit dans son trou et elle marmonne nuit et jour. Ses yeux, habitués aux couleurs sombres de sa palette d'intérieur, ressortent comme deux grosses billes dans son visage bouffi par l'inactivité. Et la maladie peut-être. On l'appelle la vieille chouette. Les jeunes mères menacent leurs petits, s’ils ne sont pas sages. Mais elles sont les premières à en avoir peur.
Elles se seraient bien laissées tenter par un ruban ou un bouton, une dentelle parfois. C'est si pratique d'avoir une mercerie au village. Pourtant aucune d'entre elles n'a jamais osé franchir le seuil.
La vieille chouette se tient quelquefois dans la vitrine, derrière une pile de draps rongés par les mites. Rongée, elle aussi, de l’intérieur. Elle perce les passants de son regard de hibou, un regard fâché. Fâché avec la vie.
On prétend qu’elle vend des potions, des sortilèges, le soir venu quand les mères chantent des berceuses à leurs enfants et que seules les filles qui ont fauté se laissent aller à la retrouver. Mais personne ne le sait vraiment. On le dit, c'est tout.
Mais elle ne vend rien. Elle ressasse le passé, ses fils morts à la guerre, tous les trois, son mari, mort de douleur. Elle est restée figée dans les cendres et n'attend que son tour. Dans le silence de sa boutique.
Alice de Castellanè
Elle l'observait par delà les flammes, fermant un œil, puis l'autre, en le couvrant de sa main. Qu'il était beau son Aimable dans la lumière scintillante du brasier ! La petite fille soupira d'aise. Elle pouvait passer des heures à le regarder, de loin, bien cachée derrière un muret de pierres, dans le creux des branches du vieux saule, ou tapis sous un buisson de romarin.
Je suis morte. Anéantie, je n'existe plus. Mon corps est autre. Souillée.
Le week-end avait pourtant commencé sous d'heureux auspices.
Nous étions tous très beaux, nantis de soieries et dentelles. « Luxe, calme et volupté. » Nous étions jeunes, nous étions là pour nous amuser, boire et danser, voire plus si entente. Si entente.
Le cadre, un jeu
Tic, tac, la vie file et le temps rétrécit. Dix poursuivants, ballet bourdonnant, la traquent, la frôlent, s'enroulent autour de ses reins. Juste aujourd'hui, une ou deux heures encore ou demain peut-être, si le soleil brille. Maya la jeune vierge, joue l'esquive, s’égaye et s'enfuit pour mieux les exciter. Sa fougue enflamme leurs ardeurs. L'un des chasseurs s'agrippe à son buste et sans
Ils meurent par centaines, par milliers, crucifiés sur les barbelés de nos murs anti-invasions, échoués sur nos plages, largués par des pirogues de fortune, asphyxiés par les gaz d’échappement sous le plancher d’un train routier. Ils meurent par poignées, par grappes, sous les balles que nous avons fabriquées, avec l’argent que nous avons donné à leurs ennemis en échange de quelques litre